Je suis né le 20 décembre 1983 à Sambreville. C’est alors que commence ma triste vie.
Je ne porte pas le nom de mon père car à ma naissance, ma mère était déjà mariée à un autre homme. Deux garçons étaient nés de cette union : Yves et Sébastien.
Avec mon père, ma mère avait eu avant moi un autre garçon : Jonathan, né en 1981.
Il a été confié à ma grand-mère paternelle à l’âge de 9 jours car mes parents rencontraient des soucis et ne pouvaient pas s’en occuper.
Moi, je suis balloté de gauche à droite car mes parents ne s’occupent pas bien de moi. Par exemple, je me suis retrouvé inconscient étant tout petit car j’avais avalé des médicaments sans le savoir.
Dommage, je n’ai pas eu la chance de mourir.
1ère fracture.
À l’âge de deux ans, un incendie ravage notre maison. Mon père m’a sauvé la vie de justesse en me sortant par la fenêtre de l’étage pour me donner à quelqu’un dans la rue. Autre chance de mourir, je ne suis malheureusement pas resté dans cet incendie.
2ème fracture.
Les années passent.
1989, mon père, étonné de ne pas nous trouver à la maison quand il rentre, il se rend chez l’un de ses amis pour voir si celui-ci ne savait pas où l’on se trouvait, ma mère et moi.
Mon père rentre chez son ami. Je suis en train de jouer en bas, seul. Mon père me demande où est ma mère. Je lui réponds « en haut ». Mon père monte et, catastrophe, il découvre ma mère en train de se faire sauter par son ami. Un vacarme fou commence : je vois ma mère partir en courant de peur. Mon père remonte à l’étage. Il y retrouve son ami qu’il avait laissé agonisant. Il l’achève.
Mon père retourne toute la maison pour faire croire à un cambriolage mais quelques jours plus tard, la police débarque à la maison pour embarquer mon père.
Ma vie va changer encore plus. Je suis arraché à ma famille et à tous mes repères du haut de mes cinq ans.
Je suis d’abord placé à Beauraing puis à Hanzinelle dans un home pour enfants.
3ème fracture.
Je suis placé parmi plein d’enfants que je ne connais pas, sous les ordres des éducs.
Les jours passent, arrive la rentrée scolaire, chose que je ne connais pas vu que je n’ai pas été scolarisé auparavant pour les maternelles.
Quelques mois d’école passent et on me diagnostique un défaut de prononciation. Cela me conduit chez un logopède. Mais cela ne se passe pas comme prévu. Ce logopède était très strict et il me punissait quand je ne réussissais pas les exercices.
Au début, il criait et me giflait en plein visage. Cela a ensuite encore dégénéré car les punitions étaient devenues des fessées : il abaissait mes vêtements et je me retrouvais avec mes fesses et mes parties intimes à l’air. Il a commencé à toucher mon sexe et à le mettre dans sa bouche à chaque mauvaise prononciation.
Jusqu’au jour où les rôles ont changé : c’était moi qui devais le masturber où mettre son sexe dans ma bouche jusqu’à ce qu’il décide d’arrêter. Plus tard, j’ai compris qu’il m’obligeait à garder son sexe dans ma bouche jusqu’à ce qu’il éjacule.
J’étais devenu ce petit garçon qui avait peur de tout, qui se laissait faire par tout le monde et qui n’osait rien dire.
4ème fracture.
Quelques années plus tard, j’ai eu droit à des visites de ma famille.
Le mercredi après-midi, ma mère venait me voir avec son nouveau compagnon, qui est devenu son mari plus tard.
Il était très gentil avec moi et m’avait promis de me faire sortir du home le plus rapidement possible.
En décembre 95, un éducateur m’appelle à table, juste en revenant de l’école. Il m’annonce que mon père a eu un terrible accident de moto et qu’il est à l’hôpital. Lorsque je rends visite à mon père quelques jours plus tard, je me retrouve devant un tas de machines où se trouvent énormément de tuyaux reliés à mon père. Il est inconscient, ne réagissait à plus rien. C’était logique, il était dans le coma, mais à ce moment-là, je ne l’avais pas compris.
Quelques semaines passent, j’ai rendu visite à mon père à plusieurs reprises et un jour, il est enfin réveillé. Je m’avance vers lui pour lui dire « Bonjour Papa » et il me répond « Bonjour Monsieur ». Je suis sorti de la chambre sur le coup, et je me suis mis à pleurer : mon père me rejetait, la personne à laquelle j’étais le plus attaché ne voulait plus de moi. Un déchirement total pour moi.
5ème fracture.
Quelques semaines plus tard, quelqu’un a enfin pris la peine de m’expliquer que mon père avait eu un traumatisme crânien et qu’il avait perdu la mémoire à cause de son accident. Quelques mois plus tard, il est sorti de l’hôpital pour retourner vivre chez sa mère. C’est pourquoi je me suis retrouvé un peu plus tard devant le juge de la jeunesse devant ma mère et son copain d’un côté et ma grand-mère paternelle d’un autre.
En sortant, je me souviens avoir vu ma grand-mère pleurer suite à la décision de me placer chez ma mère.
6ème fracture.
Me voilà chez ma mère. Tout s’est bien passé au début : j’étais libre et je découvrais la vie en dehors du home.
J’étais en secondaire et j’étais toujours un garçon renfermé, dont on se moquait en toutes circonstances.
J’en avais marre de cette vie où j’étais rejeté, alors j’ai commencé à faire des conneries pour être accepté par les autres élèves. Cela a fonctionné : j’ai eu des amis et je me sentais accepté. Je répondais aux profs et j’avais de plus en plus de punitions, que je devais faire en double à chaque fois, pour le copain de ma mère.
Ça devenait de pire en pire à la maison. Je me rappelle que pour manger c’était galère, ma mère n’était pas capable de le faire : il n’y avait rien sur la table. J’allais de plus en plus souvent chez ma grand-mère, où je passais plus de temps que chez ma mère.
À la maison, c’était de plus en plus tendu, j’étais puni de plus en plus, privé de sortie, je devais rester dans ma chambre quand je n’étais pas à l’école.
Un jour, j’ai reçu la première gifle de mon beau-père. Cela n’a plus arrêté ensuite.
Quelques semaines plus tard, j’ai dû dormir dans le lit de ma mère et mon beau-père parce que celui-ci avait repeint ma chambre.
Là, le cauchemar a recommencé car dès que ma mère n’était pas dans le lit, mon beau-père en profitait pour me toucher un peu partout et frotter son sexe contre mon derrière.
J’étais terrifié. Il me masturbait jusqu’à ce que j’éjacule. Cela a continué le temps de remettre ma chambre en ordre. Une fois que j’ai pu redormir dans mon lit, il venait me réveiller le matin mais je l’évitais à chaque fois en quittant ma chambre.
Il trouvait d’autres prétextes. Quand je me lavais, il prenait l’excuse de devoir aller aux toilettes, il exhibait son sexe comme si c’était normal pour lui et il se masturbait en me regardant.
J’en avais marre de devoir subir ce genre de choses et je me prenais de plus en plus la tête avec mon beau-père, même si je n’exagérais pas trop car j’avais peur de lui. Je faisais tout pour être le moins possible à la maison parce que dès que je rentrais, ça criait sans cesse jusqu’au jour où, un soir, dans mon lit, la colère monte en moi et, toute la nuit, la peur, la solitude, la tristesse, le désespoir débordent. Je pleure à gros sanglots et je me réveille le lendemain plus déterminé que jamais. J’avais décidé de fermer les vannes de mes larmes et j’ai transformé mes sanglots en colère, en boule de rage.
Je sentais comme une boule de feu qui tourne en moi et qui ne cherchait qu’à sortir. Ma seule envie était de tout détruire.
Deux solutions se présentaient : soit j’obéissais au système, jusqu’à ma destruction totale, soit je réagissais contre l’injustice et l’incompréhension pour être enfin libre, être moi-même et ne plus souffrir. J’ai choisi la rébellion.
7ème fracture.
J’envoyais le copain de ma mère balader de plus en plus. J’avais réalisé qu’il n’avait aucun droit sur moi vu qu’il n’était pas mon père.
Un jour, il s’est mis en colère, a voulu me frapper. J’ai cassé et lancé des choses à terre et je suis parti de la maison. Quand je suis revenu quelques heures plus tard, il a dit à ma mère que c’était « lui ou moi ». Ma mère l’a choisi lui. Elle m’a même aidé à faire mon sac. Et, tout en faisant mon sac, elle m’a dit clairement « tu n’es qu’un bâtard de toute façon car celui que tu appelles ‘papa’ n’est pas ton père. Ton vrai père, c’est celui que ton ‘soi-disant père’ a tué ».
8ème fracture.
Je me suis retrouvé à la rue, sans savoir où aller. Le soir même, j’étais chez ma grand-mère. Mais comme j’étais un enfant placé par le juge de la jeunesse, il a fallu le prévenir.
Le juge a refusé le placement chez ma grand-mère car elle avait déjà la charge de mon frère Jonathan ainsi que celle de mon père qui était paraplégique depuis son accident.
Il a été décidé que j’aille à l’internat la semaine et chez ma grand-mère le week-end.
À l’internat, je refusais toute forme d’autorité et je me suis fait renvoyer.
Ramené à la maison par l’éducateur, ma grand-mère m’a disputé et cela n’a plus arrêté, je me suis enfui.
Je suis de nouveau à la rue, j’ai dormi quelques jours chez la cousine d’un ami mais je me suis fait arrêté par la police, et j’ai été entendu par une policière qui a décidé de me reconduire chez ma grand-mère pour y prendre des vêtements.
J’ai ensuite été placé dans une famille de douaniers, du côté de Couvin.
Là c’était le bonheur, je ne manquais de rien. Je me souviens que je me promenais avec les deux filles du couple dans le quartier et que tout me paraissait merveilleux.
Aurais-je enfin droit au bonheur ?
Les mois ont passé et un jour, une femme est venue me chercher. Je me suis demandé pourquoi. J’ai appris plus tard que ma famille d’accueil avait voulu m’adopter mais ma grand-mère s’y était opposée.
Quelque temps plus tard, je rencontre la mère de mes enfants et je me mets en ménage très vite.
Je n’ai que 14 ans…
Junior
