Aujourd’hui, ce 6 décembre, c’est la fête de la Saint-Nicolas. Cette tradition où l’on distribue des cadeaux et produits chocolatés par milliers chaque année en compagnie du personnage de Saint-Nicolas et ceci que pour les enfants sages sinon c’est le père fouettard qui s’en charge.
Autrefois en primaire à mon époque, on s’échangeait de jolies cartes de Sainte-Catherine pour les filles et Saint-Nicolas pour les garçons. Je pense qu’à ce jour cela n’existe plus mais c’était plutôt rigolo. Toutes et tous attendaient de voir si l’un ou l’une avait pensé à eux et quelque part savoir nos liens d’amitié, nos petits flirts de jeunesse rien qu’à travers une petite carte.
Ce 6 décembre, c’est aussi un jour inoubliable pour notre famille car c’est la date d’anniversaire de notrefrère ainé Thierry né le 06/12/67.
Il aurait soufflé ses 53 bougies ce jour mais la vie ou plutôt la maladie en a décidé autrement.
Profitant d’une belle journée ensoleillée, mes parents et quelques oncles et tantes décidèrent de partir à la plage dans le nord de la France en cette période d’été 1970 avec Thierry alors âgé de 2 ans et demi à cette époque.
Très souvent, cette conversation revenait à la maison avec notre mère quand nous étions enfants, moi, ma sœur et mon frère cadet et cela a toujours éveillé notre curiosité. Et si pourquoi, et si comment, et en même temps on sentait de la tristesse et du chagrin dans le regard de nos parents de la perte de leur enfant, notre grand frère qui a été un véritable bouleversement pour eux et qui encore aujourd’hui, 45 années plus tard, est gravé à jamais.
En ce jour d’été 1970, Thierry s’amusait dans le sable à faire des châteaux, ramasser des coquillages à l’aide de son seau et de sa pelle et très vite sa joie et sa bonne humeur s’estompèrent. Il se plaignait beaucoup, il était fiévreux, il se grattait tout le corps et quelques plaques rouges avaient fait leur apparition quasi partout sur lui. Iln’était plus du tout dans son assiette.
Peut-être une insolation mes parents se disaient malgré la crème anti coup de soleil qui tartinait tout le corpsde ce petit garçon aux cheveux blonds.
Mon père et ma mère inquiets se sont aperçus qu’au plus le temps passait, au plus mal il était et ont mis unterme à leur journée pour rentrer au plus vite.
À cette époque, mes parents n’avaient pas encore de médecin traitant mais dans le quartier où ils ont fait bâtir leur maison en cette même année d’ailleurs, il y avait un docteur qui y résidait à un pâté de maison de chez nous.
À peine rentrés de la plage, ils se sont rendus de suite chez lui.
Mon frère était monté à 40 degrés de température mais ce médecin n’a rien diagnostiqué d’anormal exceptécette poussée de fièvre et ses taches rouges sur le corps.
Il leur a prescrit quelques médicaments et du repos et surveiller son état mais pour lui rien d’alarmant, ça devaitvenir du soleil.
À la nuit tombée, mes parents ont veillé sur lui et voyaient bien que quelque chose n’allait pas. Il était très agité et ne cessait de pleurer.
Dès le jour levé, un dimanche, il fallait trouver le médecin de garde qui n’était qu’à quelques kilomètres de cheznous.
Arrivés au cabinet médical, Thierry a été pris en charge de suite par le docteur Huin. Cet homme deviendra leurmédecin traitant par la suite.
En l’auscultant, il était monté un peu plus en température que la veille. Ce n’était pas normal disait-il, il fallait faire hospitaliser cet enfant au centre hospitalier de Lille sans perdre de temps et lui faire une prise de sang au plus vite.
Arrivés sur les lieux en ambulance, c’était un peu le branle-bas de combat pour mes parents.
Pris en charge de suite par le service hospitalier, Thierry a subi une batterie d’examens et prise de sang.
En fin de journée, les docteurs annonçaient à mes parents que Thierry était porteur d’une leucémie sévère, unedes plus fortes sur les 52 recensées d’après notre mère.
Pendant 8 semaines durant, il fut hospitalisé et beaucoup d’examens l’attendaient ; prise de sang chaque semaine,perfusion, ponction lombaire, régime sans sel.
Maman s’est arrêté de travailler pour rester au chevet de Thierry tous les jours pendant 2 mois sans sortir. Avec l’accord de l’hôpital, elle pouvait préparer elle-même ses repas dans leurs locaux.
Mon père continua son travail, il était facteur et ce pendant toute sa carrière. À cette époque, ce n’était pas possiblede cesser leur activité professionnelle tous les deux.
Chaque jour après sa tournée de postier, il se rendait à l’hôpital. Il ramenait des produits frais pour que ma mère lescuisine.
Avec Thierry, ils passaient leur après-midi à dessiner, faire des jeux de société, des puzzles et le soir venu mon père repartait et refaisait la même chose sans louper une journée pendant tout ce temps interminable.
Arriver au terme de toutes ses semaines de soins, son état était stable, il était en rémission et a pu quitter lecentre hospitalier pour rentrer à la maison.
Mes parents ont repris le chemin du travail quant à mon frère, il ne pouvait pas réintégrer l’école de suite car il y avait beaucoup de suivis médicaux, prise de sang chaque semaine, ponction lombaire chaque mois.
Pendant six mois, il passait ses semaines du lundi au vendredi chez mes grands-parents car mes parents avec leur emploi ne pouvaient pas être chaque instant à ses côtés. Il était très bien accueilli et il ne lâchait jamais son pépé.
Il aimait bien jardiner avec son grand-père. Quand il plantait des haricots, Thierry les ramassait derrière lui et disait : « Pépé tu as fait tomber tout tes haricots alors je les ai ramassés. »
Il a passé du bon temps chez eux et il respirait la joie de vivre. À ses 4 ans, il étaitreparti à l’école.
Ma mère nous disait qu’il n’avait aucune difficulté à l’école et qu’il était bon élève malgré sa longue absence.
Il était cependant toujours suivi par notre médecin traitant.
Un peu avant ses 5 ans, mes parents ont profité de quelques jours de congé pour faire un pèlerinage et sont partis en train couchette de nuit à plus de mille kilomètres de la maison pour passer un séjour à Lourdes.
Ils ont parcouru le chemin de croix, la piscine miraculeuse, beaucoup de prières en espérant que cette maladie quitte son corps car ils ne voulaient rien lâcher et faire tout leur possible, leur maximum pour que ça aille pour lemieux.
Et voilà qu’en mai 1972, je vis le jour. J’ai eu quelques complications à ma naissance de respiration.
C’était un peu le chaos pour mes parents vu la santé déjà fragile de Thierry et se demandaient s’ils n’allaient pas réitérer la même chose.
Au bout d’un mois d’observation à l’hôpital, j’étais tiré d’affaires et en bonne santé. Ce fut une joie pourThierry haut de ses 5 ans, il avait un petit frère.
Ma mère me disait qu’il était toujours autour de moi, j’étais trop petit pour m’en souvenir mais en regardant des photos prises pendant ses années là où l’on jouait tous les deux avec son petit vélo rouge à trois roues, à la balançoire, parfois ça me parle.
On était inséparables me disait-elle et j’ai passé les trois premières années de ma vie à ses côtés.
Malgré toute cette prise en charge de soins sans relâche, vers ses 7 ans, la maladie avait repris le dessus maismes parents ne s’avouèrent pas vaincus.
Il a eu recours à la chimiothérapie et un lourd traitement à la cortisone d’où la perte de ses cheveux et une forteaugmentation de son poids.
Au fil de quelques semaines, Thierry était de plus en plus affaibli et de nouveau hospitalisé et la rechute étaitmalheureusement déjà bien avancée.
Pour les médecins à l’hôpital, ils ne savaient plus rien faire, le cancer généralisé était là et il lui restait quequelques semaines à vivre.
Il était hors de question pour mes parents de le laisser mourir sur son lit d’hôpital et ont préféré le reprendre àla maison.
Vu son état de santé très préoccupant, j’ai été hébergé quelques temps chez mes grands- parents.
Mes parents avaient eu quelques informations sur un médecin guérisseur sur Paris qui soulageait les gens enfin de vie pour qu’ils souffrent le moins possible.
C’était dommage leur disait ce guérisseur qu’ils n’aient pas pensé à venir voir cet homme dès le début de samaladie.
Il fera de son mieux disait-il pour l’apaiser en lui envoyant des ondes magnétiques. C’était une sorte de guérisseur magnétiseur et chaque semaine ils prenaient rendez-vous avec ce médecin.
Plus tard en pleine nuit, ma mère fut subitement réveillée par une lumière aveuglante venant de la chambre deThierry nous racontait-elle.
Elle nous disait que c’était très bizarre car notre frère n’avait plus la force de se lever de son lit.
Aussitôt elle réveilla mon père. Ils s’approchaient de sa chambre et en ouvrant la porte, ils ont été très paniqués, il y avait là comme une énorme boule lumineuse qui tournait autour du corps endormi de Thierry, comme des ondes venant d’ailleurs et quelques instants plus tard, c’était redevenu le noir total.
C’était très intriguant cette histoire et à la fois très mystérieux.
Peut-être avait-elle eu une hallucination se disait-on dans notre jeunesse moi, ma sœur et mon petit frère maisencore aujourd’hui on y repense et en parle fréquemment.
Sûrement des ondes envoyées de ce guérisseur. Pourquoi pas d’ailleurs.
On n’avait pas le droit de se moquer vu tous leurs efforts déployés pendant des années et aussi la force qu’ils ont eue par la suite pour nous élever et recevoir une bonne éducation sans jamais avoir à se plaindre.
En ce jour du 22/08/75, Thierry s’est éteint dans les bras de ma mère dans le salon à la maison à l’aube de ses 8 ans. Il demandait toujours des bisous et des câlins à mes parents quelques minutes avant sa mort comme s’il la sentait arriver.
Mes parents étaient dévastés mais ils ont redoublé d’efforts pour qu’il puisse reposer en paix dans un très beau monument avec une très belle pierre tombale et il a reçu de respectueuses funérailles.
Ce récit de vie vécu de mon enfance ne s’arrête pas là car il y a eu un fait très marquant d’où ce titre que j’ai choisi :« Et si c’était lui. »
Deux années plus tard, ma mère mettait au monde en février 1977 ma sœur. J’étais alors âgé de 5 ans et j’avais une petite sœur et de nouveau, deux années plus tard en août 1979 naissait notre petit frère.
À mes 7 ans, j’avais une sœur et un frère et aussi notre grand-frère malgré sa disparition, enfin s’il était réellement parti. Quand il est décédé, je cherchais partout après lui mes parents me disaient.
Thierry s’est éteint le 22/08/75 et a été enterré le 26/08/75 et c’est à cette date le 26/08/79 que mon petit frère vu le jour. Une coïncidence !
Et si c’était lui. Et si Thierry était revenu dans mon frère cadet.
Et si c’était ça la réincarnation.
Quand vous le regardez, c’est tout Thierry.
Si on compare des photos de lui jusqu’à ses 7 ans, il y a une ressemblance époustouflante comme si on avait faitune photocopie.
C’était très particulier ses moments de notre enfance au sein de notre fratrie.
Mes parents étant très croyants et pour eux, il n’y avait pas de doute, mon frère ainé est toujours dans cemonde et il est là sous nos yeux dans le corps de mon frère cadet.
Et si c’était vrai tout cela, car personne n’est revenu de là-haut donc personne ne sait dire quoi que ce soit.
Laissons ses pensées, ce bonheur en nous et ne gâchons pas ses instants de plaisir et libre à chacun de croire cequ’il a envie de croire.
Quelques années plus tard, en 2004, ma sœur était enceinte d’un petit garçon mais sa grossesse s’est malpassée.
Elle a eu d’énormes complications. Le bébé ne se formait pas bien et ma sœur a dû subir au bout de six mois une(I.M.G) interruption médicale de grossesse.
Noah est quasi mort à la naissance. Il a vécu 25 minutes.
Cela reste toujours bouleversant, avoir porté son bébé autant de mois, faire des projets et tout ça s’arrête brutalement. Il n’y a pas de mots tellement vous êtes emportés par le chagrin et la tristesse.
Quelques jours plus tard, mes parents proposaient à ma sœur de mettre ce petit bout dans le caveau familial avec Thierry.
Le jour des funérailles de Noah, ce fut un choc notamment de voir ce petit cercueil mais aussi de revoir celuide leur enfant, de notre frère ainé 29 années plus tard.
Nous avons tous eu beaucoup de peine et de douleur, ça n’a pas été une épreuve facile.
Aujourd’hui, ça fait 16 ans qu’ils sont tous les 2 et qu’ils reposent en paix malgré pas mal de détérioration survenue sur leur tombe notamment des vols. Un ange en bronze scellé puis arraché de la pierre tombale provoquant desdégâts.
C’est franchement inhumain de faire une chose pareille.
Voilà mon récit vécu de mon enfance. Peut-être ai-je oublié pas mal de détails.
Je ne suis pas écrivain mais ça m’a fait du bien de me replonger dans mes pensées et ce du plus profond de moncœur.
J’avais un peu peur de raconter mon vécu pour mes parents.
Je n’avais pas envie de leur faire de la peine mais ma mère m’a encouragé à le faire alors je leur dédicace se onpeut appeler ça comme ça.
Ça peut sembler très bizarre, mais il est très difficile de dire à mes parents que je les aime tout simplement.
Je crois que c’est tellement puissant … c’est un sentiment tellement fort qu’au moment venu, on n’a plus les mots.
On se dit pas « je t’aime ». Je t’aime maman, je t’aime papa. Ça ne se dit pas chez nous mais pourtant ons’aime comme tout le monde, très, très fort même.
C’est ça qui est difficile, j’aimerais trouver un jour la force de leur dire vraiment avec des mots, avant qu’il ne soit trop tard.
À mon frère, à Noah,
reposez en paix.
Holiday