Il y a quelques jours, Stromae a été invité sur un JT de 20h sur TF1, lorsque la présentatrice lui a posé une question sur sa solitude et sa santé mentale, il s’est mis à chanter en direct. Une réponse artistique pour le moins marquante. Je suis certain que le fait qu’il soit le premier à procéder de la sorte, pour mettre en exergue le thème de la solitude (et de la santé mentale) ne peut que susciter de multiples réactions, notamment sur les réseaux sociaux. Cela peut se comprendre d’autant plus en raison du contexte de la Covid-19, mais aussi puisqu’il s’agit d’une star mondiale absente depuis 2015. A titre personnel, je ne suis pas particulièrement fan de Stromae malgré la beauté de ses chansons et le caractère indéniable de son talent. Lorsqu’il a terminé sa réponse en chanson, je me suis dit, mais quelle beauté ! Quel courage ! Quelle honnêteté !
Quelques secondes plus tard, je me suis rappelé son coup de buzz sur la Grande place de Bruxelles pour le lancement de sa chanson « Formidable ». Ainsi, un débat s’est installé en moi avec des voix qui s’opposent. Une partie de mes voix internes disait que c’est un génie qui met le doigt sur une grande vérité de manière créative. Une autre partie de mes voix internes disait que c’est du marketing très bien conçu et trop bien fait. Que choisir entre ces deux plaidoiries ? Je me suis trouvé dans la position d’un juge qui doit impérativement trancher entre deux armadas d’arguments qui se valent !
Après avoir dépensé une grande partie de mon énergie en essayant d’examiner les arguments des uns et des autres, je me suis dit qu’il fallait que j’appelle un de mes amis pour me changer les idées, car je n’en pouvais plus de mon débat interne. Vers la fin de la discussion avec mon ami, il m’a dit que je pouvais l’appeler quand je voulais car il sait que la solitude n’est pas facile. J’ai résisté à l’envie de lui poser mille questions sur le sujet, et je me suis mis à appréhender la reprise du débat (interne). En gros, mon ami m’a dit que la solitude signifie souffrance, mes voix internes semblent accepter cette affirmation sans débat. Probablement, car je fais confiance à mon ami ou peut-être parce que j’ai intégré cette notion préalablement et elle fait partie de tout ce qui est ‘normal’ en moi. À ce stade, ce dont je suis sûr c’est qu’il y a une multitude de voix présentes en moi, qui examinent tout ce que je dois accepter ou réfuter. Vraisemblablement, c’est pour cette raison que Stromae a intitulé son album « Multitude ».
Étant un amoureux de la lecture, dès que je me trouve en difficulté, j’essaye de me rappeler d’un conseil ou d’une parole de sagesse pour me guider, ainsi, cette fois-ci, je me suis souvenu que Blaise Pascal face aux situations tracassantes, il se posait la question : « De quoi s’agit-il ? ». Après un travail fastidieux en suivant cette logique, je me suis rendu compte qu’il ne s’agit pas des intentions de Stromae mais de ma santé mentale et de ma solitude. Cela signifie que dans un autre contexte je n’aurais probablement prêté aucune importance à cette affaire. Fabrice Luchini a dit il y a quelques mois, que durant le premier confinement de 2020, il a appelé le président Macron pour lui citer une phrase de l’un de ses auteurs préférés : « La raison n’habite pas longtemps chez les personnes confinées ». Malgré que je ne sois pas certain si le terme exact était, les gens confinés ou les gens incarcérés, in fine cela revient au même. Je pense que je me suis observé et interrogé sur cette affaire de Stromae car la forme comme le contenu me parlaient. Notamment le contenu puisque cela fait quelques années que j’essaie de me comprendre, consciemment ou inconsciemment, je me suis dit que la réponse se trouve dans les écoles de psychiatrie ou de psychothérapie. Ainsi je tente de mettre la main sur tous les livres écrits par des spécialistes de ces écoles, qu’ils soient adleriens, freudiens, jungiens, behaviouristes ou gestaltistes. Ma dernière lecture m’a amené à me poser la question si je souffrais de névrose ou bien de troubles de caractère ! C’était vraiment effrayant de me poser une telle question, et ça l’est toujours. Néanmoins, je me rends compte que faire face à soi est un processus extrêmement douloureux, mais nécessaire et pourtant si rare. Cela explique mon admiration de la prestation de Stromae. Il n’y a pas de vérité sans honnêteté comme il n’y a pas d’honnêteté sans courage. Je pense qu’il a rajouté de la beauté à un processus de vérité et de guérison. De telles valeurs si elles ne sont pas mobilisées dans les rapports avec soi, elles ne seront pas présentes dans les relations avec autrui.
Lors de la lecture de l’ouvrage d’un psychiatre considéré comme une sommité internationale, je me suis rendu compte que je me suis menti très sincèrement au sujet de la peur durant les trente dernières années. À chaque fois que j’avais très peur, je me suis répété « je n’ai pas peur ». Si l’on croit l’adage qui dit : on traite les autres comme on se traite soi-même, j’ai forcément menti aux autres avec autant de sincérité. J’ai constaté que des couches de névrose m’empêchent d’être franc avec moi-même. J’ai saisi le bic et la feuille qui m’étaient les plus proches et j’ai noté :
oui, oui ! j’ai peur du jour et j’ai peur de la nuit !
j’ai peur d’hier, de demain et d’aujourd’hui
j’ai pour de comprendre et de découvrir qui je suis
j’ai peur de rêver et de construire un espoir qui me fuit
j’ai peur de l’autre qui m’agace, m’agresse et me nuit
j’ai peur du temps qui passe et m’ennuie
j’ai peur des souvenirs et du passé qui me suit
j’ai peur de la solitude qui m’accompagne dans mes puits
SA.BA.H